Robe sombre, vin fruité, équilibré avec une belle acidité, tannins d’une grande élégance et longueur en bouche : les professionnels du monde entier, venus en grand nombre cette semaine à Bordeaux pour les primeurs, s’accordent à trouver le millésime 2016 “excellent” et espèrent des grands crus à prix “raisonnables”.

 

“On n’est pas dans un vent de folie comme on en a connu sur le millésime 2010. Il y a une obligation d’être raisonnable”, estime Olivier Bernard, président de l’Union des grands crus de Bordeaux.

Éternel inconnu de cette semaine des primeurs de Bordeaux, lorsque les vins non-finis sont goûtés et notés par des professionnels, les prix de ces vins en cours d’élevage, livrés 18 à 24 mois plus tard, seront fixés entre fin avril et juin par les 300 à 400 châteaux concernés par ces primeurs sur 6.000 domaines bordelais. Ce système, unique au monde, permet aux propriétés d’avoir de la trésorerie et aux acheteurs de faire, en principe, des économies.

En attendant, une chose est sûre à en croire négociants et propriétaires durant les dégustations : les prix augmenteront en raison de la qualité du millésime, homogène dans toutes les appellations, aussi bien à Margaux qu’à Saint-Emilion. Certains, comme l’a déjà fait Château Guiraud à Sauternes, conserveront le même prix que le très bon millésime 2015.

“Des hausses modérées seraient acceptées. Entre 0 et 10%, on a la quasi-certitude que cela fonctionne. Au-delà, ça dépend du cru”, estime Philibert Perrin du Château Carbonnieux à Léognan.

LES CRUS LES PLUS À LA MODE SERONT ENCLINS À AUGMENTER LEURS PRIX”

“Pour les grands millésimes, les acheteurs sont au rendez-vous en général. Il y a une demande française, internationale, importante. Les gens sont prêts à faire un peu de sacrifice”, renchérit le négociant et propriétaire Philippe Castéja, également président du Conseil des grands crus classés en 1855. “Il y a des gens qui n’ont pas fait de hausse importante en 2015, ils en feront cette année”, nuance-t-il, soulignant que les crus les plus à la mode seront enclins à augmenter leurs prix.

La difficulté de vendre un deuxième bon millésime consécutif et de beaux volumes à écouler devraient cependant calmer les ardeurs. D’autant plus que le spectre des millésimes 2009/2010 plane au-dessus du Bordelais avec une flambée des prix qui avait occasionné de lourdes pertes et une mauvaise réputation. Les ventes en primeurs, un volume faible par rapport à l’ensemble de la production, étaient passées de 15% en 2009 à seulement 1,5% en 2015, selon le site en ligne spécialisé britannique Liv-ex.

“On n’est pas dans un vent de folie comme on a connu sur le millésime 2010. Il y a une obligation d’être raisonnable (…) mais il y en a toujours qui vont se décaler un peu”, estime Olivier Bernard, président de l’Union des grands crus de Bordeaux qui organise ces primeurs. “95% des grands crus se vendront à bon prix”, prédit-il.

“JE VENDS 95% DE MA RÉCOLTE EN UN OU DEUX JOURS”

Si les châteaux les plus importants sortent des prix élevés, les autres suivront le mouvement: “J’aurais tendance à ne pas monter beaucoup mes prix mais il faut que je m’ajuste aux autres”, explique Claire Villars-Lurton, propriétaire du Château Ferrière à Margaux. “Les primeurs, c’est fondamental. Je vends 95% de ma récolte en un ou deux jours. Si les prix sont justes, en deux heures”, constate-t-elle. Ce qui en fait “le meilleur réseau de distribution au monde”, “une toile d’araignée qui s’étend à 170 pays”, développe Caroline Frey, propriétaire-oenologue au Château La Lagune à Ludon-Médoc.

Pour preuve, plus de 6.000 négociants, courtiers ou importateurs étrangers, sont venus bien plus nombreux que l’année dernière, Chinois en tête mais aussi les Américains, loin d’être inquiets des menaces protectionnistes de Donald Trump: “Je ne pense pas que ça arrivera”, estime Donald Howes. Cet acheteur américain a cependant une certitude sur les Bordeaux 2016: les prix “vont être plus chers”.

Cette hausse annoncée ne fait pas les affaires des Britanniques, quatrième marché pour les vins de Bordeaux, qui pourraient subir une double peine avec la baisse de la livre par rapport à l’euro, conséquence du Brexit.

Anthony Hanson, importateur à Londres, pense qu'”il ne faut pas dépasser les prix de l’année dernière”. “Si le prix est trop élevé, nous allons laisser le vin aux châteaux et négociants. Ils le stockent et nous reviendrons dans deux ou trois ans en attendant que ça devienne plus doux, plus buvable”, conclut-il avec flegme.

RVF

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